Innocent X tel qu'interprété par Francis Bacon
- Claude Gauthier
- 9 déc. 2022
- 2 min de lecture

Innocent X
Tous peuvent apprécier une conversation au deuxième degré, les messages cachés, les doubles sens d’où émerge la subtilité du langage.
Que doit-on dire de la vision d’un portrait au troisième degré? En voici un exemple
L’auteur saguenéen Larry Tremblay nous en offre une illustration probante. Dans son livre « Tableau final de l’amour » publié en septembre 2021, nous en avons un exemple brillant. Ce livre tiré de son imaginaire raconte sur une base fictive des épisodes de la vie du peintre Francis Bacon. Par la force imaginative de Tremblay, nous prenons connaissance des nombreux tableaux de Bacon illustrant le Pape Innocent X. Bacon a repris à plusieurs occasions et sur plusieurs années le portrait angoissant d’Innocent X, en lui donnant une personnalité qui lui est propre.
Bacon lui-même avait tiré son inspiration du peintre espagnol Diego Vélasquez qui créa en 1650 un portrait commandité par le Pape Innocent X. Lorsque présenté au tableau, ce dernier le refusa, alléguant la dimension trop humaine (comprendre trop réelle) de la représentation. Il aurait préféré une interprétation plus spirituelle.
De nombreux critiques et artistes considèrent cette peinture de Vélasquez comme étant le plus raffiné portrait jamais créé.

Vélasquez a peint le tableau d’une manière si méticuleuse qu’Innocent X le trouva trop ressemblant. Il ne supporta pas d’être confronté à la vérité de sa condition humaine. Il aurait préféré percevoir un soupçon de grâce à la hauteur de sa fonction papale. Il n’y vu qu’un humain aux traits hargneux, habillé de somptueux vêtements sacerdotaux. Avec cette peinture, Vélasquez avait su extraire d’une manière magistrale l’humanité intrinsèque du personnage.
Selon l’interprétation de Larry Tremblay, s’exprimant à travers la vision de Francis Bacon, la représentation de Bacon est fascinante et épouvantable. Sans pouvoir exprimer la source de ces émotions, le portrait l’envoute, le dégoûte et l’ébranle.

Cette vision représente le combat de Bacon. Pendant plus de 20 ans, il s’est acharné à le décomposer, à isoler ses éléments et à recréer, morceau par morceau une image distorsionnée. Il a voulu représenter des siècles d’une autorité morale usurpée, une grande colère collective retenue depuis trop longtemps.


Bacon a parfois mentionné que ce cri cauchemardesque représentait aussi sa relation malsaine à la sexualité et les abus physiques et psychologiques que son père lui a infligés. L’auteur Larry Tremblay reprend cette piste d’interprétation dans son roman.

Références
Interview de Larry Tremblay par Marie-Louise Arsenault à Tout le monde en parle, Septembre 2021
Comments