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Libération, La chute du voile

  • Claude Gauthier
  • 16 déc.
  • 6 min de lecture

Libération est un clip vidéo qui explore le corps comme territoire de tension, de mémoire et de transformation. À travers un dialogue visuel entre les sculptures d’Auguste Rodin et les images contemporaines de Lorenzo, utilisant photographie, vidéo, dessin et intelligence artificielle, le projet interroge ce que le regard social accepte de voir, et ce qu’il préfère dissimuler.


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Le point de départ est historique : le scandale suscité par le Balzac nu de Rodin à la fin du XIXᵉ siècle, puis la réponse magistrale de l’artiste avec une figure entièrement drapée. Ces deux œuvres ne s’opposent pas ; elles incarnent deux stratégies face à la censure, deux manières d’affirmer une même vérité. Le corps, lorsqu’il refuse l’idéalisation, devient subversif.


Le clip transpose cette tension dans le présent. Lorenzo apparaît d’abord contenu, enveloppé, réduit à une présence acceptable. Peu à peu, le corps s’affirme, se libère du drapé, s’expose sans emphase ni provocation. Ce dévoilement n’est ni spectaculaire ni militant : il est un acte de justesse. Le geste compte davantage que l’image finale.


La trajectoire ne s’achève pas dans l’exposition du corps, mais dans son effacement. Le corps filmé devient dessin, le dessin devient trace. Libération propose ainsi une traversée : du scandale à l’acceptation, de la matière à la mémoire, du corps vu au corps ressenti. Ce n’est pas une célébration de la nudité, mais une réflexion sur ce que signifie, aujourd’hui encore, habiter pleinement son corps.


Perspective historique

Balzac : du corps scandaleux au corps drapé


Lorsque Auguste Rodin entreprend en 1891 la production du monument à Honoré de Balzac à la demande de la Société des gens de lettres, il s’engage dans un projet qui dépasse largement la simple commande commémorative. Balzac est alors une figure tutélaire, vénérée, presque intouchable. On attend de Rodin une statue à la hauteur du mythe littéraire : noble, reconnaissable, flatteuse. Or Rodin refuse d’emblée cette voie. Il ne cherche pas à représenter l’homme social, mais à incarner la force créatrice.


Rodin commence par étudier le corps de Balzac à rebours de l’idéal académique. Il s’informe de sa corpulence tardive, de ses excès, de son rapport viscéral à l’écriture. Il multiplie dessins et études de nus, non pour choquer, mais pour comprendre comment un corps réel peut porter une puissance intérieure. Le premier Balzac nu n’est ni héroïque ni séduisant : formes lourdes, ventre proéminent, posture massive. Rodin y montre un corps travaillé par l’énergie, presque difforme, traversé par une tension créatrice. Ce Balzac-là n’est pas idéalisé, il est habité.


C’est précisément cette approche qui provoque le scandale. À la fin du XIXᵉ siècle, la nudité sculpturale est acceptable lorsqu’elle se conforme aux canons antiques : jeunes corps, proportions idéales, beauté normative. Le nu de Balzac, vieux, massif, sans complaisance, est perçu comme une offense. Plus encore, il attaque un tabou fondamental : celui de représenter un grand homme dans sa vérité corporelle, et non dans une image socialement acceptable. Le public ne voit pas une incarnation du génie, mais une dégradation de l’icône.


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Face au rejet violent de la critique et des commanditaires, Rodin ne renonce pas. Il comprend cependant que le problème n’est pas le corps en soi, mais le regard porté sur lui. Quelques années plus tard, il revient à Balzac par un geste radicalement différent : il enveloppe entièrement le corps dans une lourde robe de chambre. De cette masse drapée, seul émerge le visage. Le corps disparaît, mais paradoxalement, la présence devient plus écrasante encore.


Ce second Balzac n’est pas une capitulation. Il est un pied de nez magistral. En recouvrant le corps, Rodin ne se soumet pas aux attentes académiques ; il les détourne. La sculpture ne flatte toujours pas : elle refuse le détail anatomique, le portrait fidèle, la narration historique. La forme devient bloc, presque monolithe. Le génie n’est plus dans le corps montré, mais dans la forme globale, dans la verticalité, dans la masse intérieure suggérée.


Rodin a compris que le drapé agit comme un masque social acceptable. Il donne au public ce qu’il réclame, la décence, tout en conservant l’essentiel : la monumentalité de l’esprit. Là où le nu exposait trop directement la vérité du corps, le drapé impose le silence, la distance, et transforme la sculpture en symbole. Le corps scandaleux devient invisible, mais il n’est pas nié : il est absorbé dans la forme.

Ainsi, entre le Balzac nu et le Balzac drapé, Rodin ne change pas de vision. Il affine sa stratégie. Il passe de la confrontation frontale à une ironie souveraine, démontrant que le génie n’a pas besoin d’être joli pour être vrai, ni visible pour être puissant.


Perspective symbolique

Du corps contraint au corps souverain


Le projet Libération s’inscrit dans un dialogue symbolique entre l’œuvre d’Auguste Rodin et les images contemporaines de Lorenzo utilisant photographies, dessins et vidéo pour interroger la place du corps dans le regard social. À travers une succession de transformations visuelles, le corps devient le lieu d’un passage : de l’idée à la matière, de la censure à l’affirmation, puis de la présence à la trace.


Chez Rodin, le Balzac nu apparaît comme une révélation brutale. Loin de l’idéal académique, le corps massif et imparfait incarne une énergie intérieure, une force créatrice indissociable de la chair. Ce choix provoque le scandale : le public refuse de voir le génie dans un corps non conforme. La réponse de Rodin, quelques années plus tard, est tout aussi radicale. En enveloppant Balzac d’un drapé épais, il ne renonce pas à sa vision ; il la déplace. Le corps disparaît, mais la puissance demeure, concentrée dans la masse et la verticalité de la forme.


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Libération transpose cette tension historique dans le présent. Lorenzo apparaît d’abord comme une figure contenue, dissimulée sous une cape rouge, héritière du drapé rodinien. Photographie et vidéo montrent un corps retenu, toléré tant qu’il reste abstrait. Le geste de se défaire de la cape devient alors un acte de rupture : le corps s’expose, non pour séduire, mais pour exister pleinement. Le regard frontal affirme une présence sans justification.


Le projet ne s’achève pourtant pas dans la revendication. Le corps se transforme progressivement en dessin, puis s’efface. Cette disparition finale n’est pas une négation, mais une sublimation. Après avoir été matière, masque et lutte, le corps devient trace, mémoire et expérience partagée. Libération ne célèbre pas la nudité ; il révèle le chemin par lequel le corps, confronté au regard, retrouve sa souveraineté intérieure.


Scénario pour un Clip vidéo de 60 secondes


Intention générale

Du scandale à la dissimulation, puis de la dissimulation à la libération,jusqu’à l’effacement : le corps devient trace, mémoire, souffle.

Fil conducteurLe corps traverse quatre états : idée → matière → contrainte → libération → trace.Chaque transformation n’est pas esthétique, mais existentielle et symbolique.


1. Dessin de Balzac nu, assis

Symbolisme :Le corps à l’état d’idée. Le dessin représente la pensée première, brute, avant toute censure.Assis, le corps est encore intérieur, contenu, fragile. Il n’est pas encore exposé au regard social. Il n’est pas encore reconnaissable.


2. Dessin de Balzac nu, se levant

Symbolisme :Le passage à la verticalité marque la prise de conscience.Se lever, c’est accepter d’être vu, d’assumer sa présence au monde.


3. Superposition du dessin et de la sculpture du Balzac nu (1892)

Symbolisme :La pensée devient matière.Le corps idéalisé se confronte à la réalité du regard public.C’est le moment du scandale : la vérité nue dérange.


 

4. Transformation vers le Balzac enveloppé (1897)

Symbolisme :La cape incarne la réaction sociale : dissimuler pour apaiser, couvrir pour rendre acceptable.Le corps est toujours là, mais neutralisé, rendu abstrait.


5. La sculpture enveloppée devient Lorenzo

Symbolisme :Le mythe historique glisse vers l’individu contemporain.Lorenzo hérite du poids symbolique de Balzac :la honte, la protection, la norme se transmettent.


6. Lorenzo visible seulement de la tête

Symbolisme :L’identité intellectuelle est tolérée, le corps ne l’est pas.La société accepte le visage, mais refuse l’expression du corps.


7. Lorenzo ouvre les bras, le vent soulève la cape

Symbolisme :Le corps résiste. Lorenzo, torse nu, bras ouvert apparait en contrôle des mouvementsLe vent symbolise la force intérieure, le désir d’émancipation.La cape vacille : la contrainte n’est plus absolue.


8. Geste brusque : Lorenzo se défait de la cape

Symbolisme :Acte de rupture.La libération n’est pas douce : elle est volontaire, risquée, irréversible.La cape s’envole comme une norme rejetée.


9. Lorenzo torse nu, bras étendus horizontalement

Symbolisme :Le corps est pleinement assumé.Les bras ouverts évoquent à la fois la crucifixion, l’offrande et la vulnérabilité.Le regard caméra affirme : « Je suis là. »


10. Lorenzo baisse la tête, ferme les yeux et abaisse les bras

Symbolisme :La lutte cesse.Ce geste marque la réconciliation : le corps n’a plus besoin de convaincre.Il est accepté, non comme revendication, mais comme présence intime.


11. Le corps de Lorenzo se transforme en dessin qui se simplifie et disparaît

Symbolisme :La chair retourne à l’idée.Après l’exposition vient l’effacement volontaire.Le corps disparaît, mais la trace demeure dans la mémoire du spectateur.Ce n’est pas une disparition, mais une transmission.

 

Conclusion

Le corps n’est ni scandale, ni objet, ni combat. Il est un passage.

Ce scénario ne montre pas un corps qui s’impose,mais un corps qui traverse l’histoire, le regard et le silence.


A venir: le clip Libération, La chûte du voile


 
 
 

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